Jean-Baptiste Charcot Le naufrage - 16 septembre 1936 |
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Le 15 septembre à 7 h 30, Charcot écrit son dernier message confié à un
paquebot anglais et qui parvient à son assistante, Marthe Emmanuel, de la
Société de Géographie le 25 septembre soit 9 jours après le naufrage : "A 2 h du
matin, c'était un cyclone ; maintenant calme plat ; nous nous disposons à partir
dans la matinée après avoir reçu la météo... Nous allons partir. Que va être
cette traversée ?"
A 13 h le Pourquoi-Pas ? quitte Reykjavik, salué par le consul de France,
sa femme et tous les amis accourus sur le port.
Deux heures plus tard, un télégramme d'amitié adressé au consul de France
signale que tout va bien à bord.
A 16 h la pluie commence à tomber, le temps se bouche. Le vent augmente, le
baromètre baisse à une allure vertigineuse. Après concertation, la prudence
commande de faire demi-tour mais pour gagner un mouillage, Il faut progresser de
nouveau vent debout. La tempête est devenue ouragan.
Le Pourquoi-Pas ? ne peut plus avancer. Il a tenté pendant quatre heures
de gagner le mouillage. A minuit, il lui faut "se mettre à la cape tribord
amures". Il se trouve dans le demi-cercle dangereux d'une dépression de
caractère cyclonique, un peu sur l'avant du centre.
En pleine nuit, à travers un rideau de pluie, avec un compas perturbé par des
anomalies magnétiques, la dérive est presque incontrôlable. A 3 h du matin, le
vent force encore. La brigantine est mise en loques. A 4 h 30, la flèche
d'artimon s'abat brisant les antennes de la radio, interdisant désormais tout
signal de détresse.
Lorsque
l'aube commence à donner un peu de visibilité, les écueils de la région d'Alftanes
apparaissent brusquement, à fleur d'eau, autour du navire. On essaie de pousser
la machine pour manœuvrer, elle est à bout de souffle.
A 5 h 15, le 16, le Pourquoi-Pas ? touche brutalement à deux reprises sur
un seuil rocheux et se couche sur tribord. La machine explose et s'arrête. Le
navire s'écrase contre un nouveau récif. C'est le désastre total. Charcot et le
Commandant Le Conniat, encore debout sur le pont, assistent à ce spectacle
déchirant. Charcot s'écrie : Oh! les pauvres enfants! et libère la petite
mouette Rita qui prend son envol après une dernière caresse.
Ces
dernières minutes nous sont rapportées par le seul rescapé du naufrage, le
maître-timonier Gonidec qui se retrouve à nager désespérément vers la côte
rocheuse à travers des déferlantes écumantes en s'agrippant à l'échelle de
coupée du navire. Gonidec est récupéré sur la côte par deux paysans islandais.
Les cérémonies funèbres se succèdent. A Reykjavik d'abord à l'arrivée des
navires de guerre français puis dans la cathédrale. En France ensuite, après
l'arrivée des 23 cercueils à Saint-Malo, port d'attache du Pourquoi-Pas ?,
puis à Paris où des obsèques nationales se déroulent à Notre-Dame avec l'hommage
du Gouvernement et des plus hautes personnalités de la France.