LA DERIVE EN ARCTIQUE
Le premier hivernage du Fram
Le 20 septembre 1893, à la latitude 78° 30' N, le Fram se trouve face à une
large et compacte masse de glace. Quatre jours plus tard, il débute son
premier hivernage.
Maintenant, pour Nansen, il suffit d'attendre que la dérive opère et que les
glaces ne libèrent le navire que de l'autre côté du pôle, dans le voisinage
de l'Atlantique.
L'équipage se prépare à affronter l'hiver arctique et aménage le navire. La
machine est arrêtée et démontée, le gouvernail est relevé, des ateliers sont
installés : mécanique, forge, menuiserie, cordonnerie … Le moulin à vent
destiné à alimenter le navire en électricité est monté. Les journées sont
bien remplies.
En plus de l'entretien en bon état de toutes les parties du
navire, il faut vaquer aux corvées, à la fabrication et à la réparation de
toutes sortes de pièces et d'outils.
Il faut également effectuer les nombreux travaux scientifiques :
observations météorologiques (effectuées nuit et jour toutes les deux ou
quatre heures), détermination géographique (effectuée astronomiquement tous
les deux jours), observations magnétiques, observations de la température de
la mer et de sa salinité, études de la faune marine, de la formation des
glaces et des courants marins.
Le 26 septembre, le navire est toujours immobile à 78° 50' N
et ne gagne son premier degré de latitude vers le pôle que le 29 septembre.
La température descend à - 14,5° C. Un mois plus tard, débute la nuit
polaire. Les relevés de position démontrent une légère dérive vers le Nord,
mais pas en ligne directe comme l'avait pensé Nansen. Le navire dérive en
zigzags, tantôt vers le Nord, tantôt vers le Sud, puis à nouveau vers le
Nord.
Les
hommes ne montrent aucun signe de fatigue, de dépression due au manque de
soleil, ni de scorbut. Ils ne se soucient plus des terribles craquements de
la glace autour d'eux, et ont une large palette de distractions. Parmi
elles, le journal Framsjaa (la Vigie du Fram) dont le premier numéro paraît
le 10 décembre, ou les nombreuses et dangereuses visites d'ours blancs et de
morses. Le navire se porte, lui aussi, à merveille.
Pris par les glaces, il glisse et s'élève pour retomber à sa place initiale
lorsque son poids brise la glace. Le premier Noël est fêté à bord sous une
température tombée à - 40° C.
Nansen s'aperçoit que ses calculs sont faux sur un point : la profondeur de
l'Océan Polaire. Il le croyait peu profond, alors que les sondages révèlent
des fonds d'au moins 1.800 m à certains endroits. Avec une telle profondeur,
la force des courants marins ne peut pas être très importante et les chances
de dérive vers le Nord ne vont donc dépendre que du vent. Le 2 février,
quand le soleil réapparaît, le Fram se trouve à 82° 10' N. Le 23 mars, après
avoir perdu des degrés vers le Nord, le navire atteint 80° N, regagnant en
quatre jours le terrain perdu en trois semaines.
Le 30 avril, la position est 80° 44' N, le 1er mai 81° N, le
18 juin 83° N, puis, retour en arrière en juillet et août.
Pendant le printemps, Nansen, qui effectue de nombreuses
excursions, étudie les conditions de viabilité de la banquise, en vue d'une
expédition vers le pôle Nord. La construction de traîneaux et de kayaks
débute.
Sources iconographiques : L'Illustration 13 mars 1897 (illustrations
d'aprés les photograpies réalisées durant l'expédition)
L'EXPLORATEUR
NORVEGIEN NANSEN
Source : Le Petit Journal - N° 334 - 11 avril 1897