Robert Falcon Scott
Seconde expédition en Antarctique (1910 - 1912)
En septembre 1909, Scott décide de monter une nouvelle expédition, avec pour
objectif d'atteindre le pôle Sud et de mener plusieurs études scientifiques.
Malgré une grande difficulté à réunir les fonds nécessaires, Scott se rend
en Norvège, début 1910, pour assister aux essais de traîneaux à moteur qu'il
a l'intention d'utiliser. Tout comme
Shackleton qui vient d'arriver à 180 km du pôle Sud, Scott envisage
d'utiliser des poneys. Le navire Discovery n'étant pas disponible, il
utilise le Terra Nova, baleinière à charbon de 700 tonneaux construite en
1884. Le 1er juin 1910, le bateau quitte l'Angleterre. L'équipage est
constitué, entre autres, de :
- Edward Wilson, naturaliste,
- D. G. Lillie, biologiste,
- Frank Debenham, géologue,
- Griffith Taylor, géologue,
- Raymond Priestley, géologue,
- Charles Wright, physicien,
- George Simpson, météorologiste,
- Harry Pennell, navigateur,
- G. Murray Levick, assistant chirurgien,
- Edward Atkinson, assistant chirurgien,
|
- Herbert Ponting, photographe,
- Apsley Cherry-Garrard, assistant biologiste David Allan,
- L. E. G. Oates, responsable des poneys,
- Henry Bowers,
- Edgar Evans,
- Thomas Crean,
- William Lashly,
- William Heald,
- Henry Rennick,
- Victor Campbell,
- Thomas Williamson,
|
Scott
rejoint son équipage en Afrique du Sud, emportant dans ses bagages,
2.400 timbres néo-zélandais surchargés " Victoria Land ". Il reçoit à
Melbourne, un télégramme de l'explorateur norvégien Roald Amundsen,
l'informant de son départ pour l'Antarctique. A Lyttelton, la cargaison
est contrôlée et les 34 chiens et 19 poneys sibériens embarquent. A Port
Chalmers, le navire fait le plein de charbon. Le grand départ est donné
le 29 novembre 1910 et le 4 janvier 1911, le navire jette l'ancre au cap
Evans. Le matériel et les animaux sont débarqués. La cabane est montée,
ainsi qu'une écurie et des observatoires scientifiques de physique.
Trois expéditions se préparent : une doit installer des dépôts sur la
route du pôle Sud, une autre doit explorer la terre du roi Edouard VII à
l'Est et une dernière doit couvrir la région des glaciers situés à
l'Ouest de Mc Murdo. |
Le
2 février une équipe s'apprête à partir pour établir des dépôts de vivres
tout au long de la route menant au pôle. Lors de ce trajet préliminaire,
l'utilisation de poneys n'est pas concluante. S'enfonçant jusqu'au poitrail
dans la neige, ils obligent l'expédition à effectuer ses déplacements la
nuit sur la neige gelée. Ils se fatiguent également très vite, contrairement
aux chiens qui semblent bien s'adapter aux rigueurs géographiques et
climatiques. Le 17 février, Scott établit le dernier dépôt à 78° 28', à 50
km environ du point prévu. Cette décision sera fatale.
Le
13 mai, tous les membres de l'équipage se retrouvent au cap Evans et se
préparent à passer l'hiver 1911 dans la cabane qui mesure 26 m sur 7,60 m.
Equipée d'une cuisine et d'une salle de bains, ils y mènent une vie sociale
réduite mais cependant hiérarchisée, puisque le carré des marins y est
séparé du mess des officiers. Cette hiérarchie navale éloigne Scott de ses
hommes, à la différence d'Amundsen et de Shackleton. Les hommes ont du
travail : entretien de la cabane, préparation des voyages en traîneau,
réparation des sacs de couchage, perfectionnement de l'outillage,
transformation des tentes, fabrication de sacs à provision, de crampons, de
semelles,… tout cela en plus du travail scientifique lui-même. Pour lutter
contre l'ennui, des livres, des disques et un piano ont été apportés. Des
conférences sont même organisées sur place par les scientifiques de
l'expédition.
En
plein hiver, le 27 juin 1911, trois membres de l'équipe du cap Evans : Bill
Wilson, Birdie Bowers et Apsley Cherry-Garrard, partent pour une marche de
450 km vers le cap Crozier, où Wilson souhaite étudier une colonie de
manchots empereurs pendant la période de couvaison. Emportant 343 kg de
vivres et d'équipement pour 3 semaines tirés sur deux traîneaux, les trois
hommes progressent dans des conditions épouvantables : la température tombe
jusqu'à - 61 °C rendant presque impossible toute inspiration et gelant la
sueur des hommes constamment trempés. Couverts de glace, les explorateurs
doivent même prendre une posture accroupie en sortant le matin de leur
tente, afin que leurs vêtements qui gèlent ne les laissent pas dans une
position inconfortable pour tirer les traîneaux. Le 15 juillet, ils
atteignent le Knoll, et construisent un abri en pierre de 2,40 sur 3,60 m.
La situation empire : tempêtes et blizzards se lèvent, arrachant et faisant
disparaître la tente, seul refuge des hommes pour leur voyage du retour.
Leur abri, dont le toit est déchiré par la tempête, se remplit de neige, et
il ne leur reste plus que leur sac de couchage plein de glace, dernière
protection contre l'ouragan. Ils vivent ainsi pendant 4 semaines dans les
pires conditions, mais retrouvent leur tente. La récolte de Wilson est bien
maigre : trois œufs de manchots seulement qui seront plus tard transportés à
l'Université d'Edimbourg. L'équipe reprend le chemin du retour, dans le
froid et la fatigue qui fait marcher les hommes en dormant. Ils atteignent
le cap Evans le 1er août 1911 après 36 jours de calvaire et il faut découper
sur eux leurs vêtements gelés qu'ils ne peuvent même plus enlever.
Une
autre expédition de 6 hommes, conduite par Victor Campbell, quitte le refuge
de cap Evans en février 1911 en direction du cap Adare où les hommes mènent
plusieurs études topographiques sur la côte de la terre Victoria. Ils
retrouvent le Terra Nova le 3 janvier 1912, mais décident de poursuivre plus
au sud. Ils débarquent à Evans Coves le 8 janvier, dans la baie Terra Nova,
avec 6 semaines de rations, plus 4 semaines de rations réduites. Ils tentent
d'explorer et de réaliser une étude topographique de la région située au
Nord du mont Melbourne, puis retournent à leur dépôt pour rejoindre le Terra
Nova qui n'est pas là. Soucieux de ce qui a pu lui arriver, les 6 hommes
doivent rapidement réagir. L'automne approche et la nourriture commence à
manquer. Les explorateurs creusent une grotte dans la glace de 3,60 m sur
2,70 m où aucun ne peut se tenir debout. Les rations diminuent sensiblement,
agrémentées parfois de graisse et de viande de phoques et de manchots.
L'hiver installé, les équipiers restent dans leur cabane de glace, où le
manque d'obscurité provoque des dépressions et où la faim et le froid les
rongent. Dans leur abri mal aéré, le poêle sur lequel ils cuisent la viande
dégage une épaisse fumée grasse, qui se dépose sur les parois de la cellule
et les vêtements des explorateurs qui commencent à moisir, risquant de geler
à toute tentative de sortie. Début septembre, l'équipe est atteinte
d'entérite, maladie due principalement au manque d'hygiène et à une mauvaise
alimentation. Deux hommes sont particulièrement touchés. Le 30 septembre,
l'équipe tente une sortie vers le cap Evans, transportant durant 40 jours de
marche les deux équipiers malades, auxquels les hommes valides offrent leur
ration de biscuits (riches en hydrate de carbone). A deux reprises, ils
découvrent des dépôts contenant des vivres et le 7 novembre 1912, ils
aperçoivent Hut-point où les explorateurs apprennent la tragique issue de
l'expédition de Scott au pôle Sud.
Cette
aventure de Scott vers le pôle Sud est la dernière. Elle débute le 24
octobre 1911, lorsque Scott, 13 hommes, 19 poneys, 34 chiens, 13 traîneaux
et 2 traîneaux à chenilles motorisés (contenant 3 tonnes de nourriture,
combustible et équipement), quittent le cap Evans en direction de la
plate-forme de Ross, première étape de l'expédition. Le plan de Scott est de
débuter la marche vers le pôle avec tous les membres de l'équipage, afin de
transporter un maximum de vivres et d'équipement, puis, à plusieurs
reprises, d'effectuer une retraite successive d'hommes qui se séparent du
reste du groupe pour retourner à la base. Durant la traversée de la
plate-forme de Ross, l'équipe rejoint les 4 hommes motorisés, dont les
traîneaux se brisent. 2 hommes repartent vers le camp de base. Très vite,
contrairement aux chiens, les poneys trahissent une grande fatigue et une
difficulté à progresser dans la neige. Ils s'épuisent et succombent. Les
hommes remplacent les animaux mais s'épuisent également. Après le départ de
4 nouveaux compagnons, Scott et ses hommes entament la seconde partie de
leur marche. Ils atteignent le sommet du glacier Beardmore à 2.800 m
d'altitude le 21 décembre 1911, après s'être frayés un chemin à travers les
séracs menaçant de se détacher. 4 autres équipiers repartent et les 8
restants se séparent en deux équipes à 567 km du but. Les étapes sont plus
ou moins difficiles. A quelques étapes aisées succèdent de fortes montées ou
d'immenses zones de crevasses et de séracs. A chaque halte sont effectuées
des observations scientifiques. De même que le paysage, le climat est
changeant. Après le vent et le froid, le soleil se met à taper, faisant suer
les hommes qui avancent en tirant leur traîneau et les faisant geler au
moindre arrêt.
Ils fêtent Noël à 2.500 m
d'altitude. Le jour de Noël, un des hommes tombe et reste suspendu au-dessus
d'une crevasse de 25 m, risquant d'entraîner le traîneau et ses compagnons.
Le 31 décembre, la caravane atteint 87° Sud, se plaçant à 330 km du pôle. Le
4 janvier 1912, à 277 km du but, le groupe se sépare. Scott renvoie 3
compagnons et continue avec Wilson, Oates, Bowers et Evans. Chaque homme
transporte une charge d'environ 85 kg cumulés sur un seul traîneau. La
progression qui commence assez rapidement doit vite ralentir. Les crevasses
sont dissimulées sous une dure croûte de neige, et il faut sonder la glace
qui menace de se briser sous le poids des traîneaux. Le décor change à
nouveau révélant une mer de neige pleine de vagues ou une plaine blanche à
l'arrivée sur le plateau. Le chef de l'expédition se félicite de leur bonne
allure de marche. Parvenus à 43 km du pôle, les 5 hommes aperçoivent des
traces dans la neige et comprennent que
Amundsen et son équipe les ont devancés. Les explorateurs, dont le moral
est très affaibli, atteignent le pôle Sud le 17 janvier 1912 et constatent
la victoire des Norvégiens. Après une courte halte au pôle, les explorateurs
se remettent en route le 19 janvier pour parcourir les 1.500 km les séparant
de la base de cap Evans. Les hommes épuisés doivent haler le traîneau. Le
manque de nourriture et le froid provoquent scorbut, engelures et dépression
chez Evans. Le 7 février, l'équipe atteint le sommet du glacier Beardmore.
Malgré la grande urgence à rejoindre le camp, elle s'arrête deux jours pour
récolter des échantillons géologiques et charger 16 kg de roches sur un
traîneau déjà difficile à tirer. Lorsqu'elle atteint le dépôt, Evans qui
perd la raison meurt prostré le 17 février. Pour survivre, les explorateurs
doivent parcourir 16 km par jour. Epuisés, ils n'y parviennent pas. Oates,
handicapé par de terribles gelures provoquant la gangrène de ses pieds, se
sacrifie pour ne pas retarder ses compagnons et part seul dans le blizzard
le 16 mars. Le 21 mars, les trois derniers membres de l'expédition se
retrouvent coincés par le blizzard sans plus de carburant. La dernière
phrase du journal de Scott date du 29 mars 1912. A seulement 18 km d'un
dépôt de vivres, Scott, âgé de 43 ans, Bowers et Wilson périssent de faim et
de froid.
Huit mois plus tard, le 12 novembre 1912, une équipe de secours menée par
Atkinson, retrouve les corps gelés des 3 compagnons dans leur sac de
couchage. Il rapporte le journal de Scott, ainsi que les douze longues
lettres écrites avant sa mort. L'équipage du Terra Nova érige un cairn de
neige sur les corps des 3 explorateurs, en haut duquel il dresse une paire
de skis croisés.
En apprenant la mort de Scott, la Grande-Bretagne pleura la mort d'un
héros et le monde entier fut touché.
Illustrations (sauf dessin) issues de : Lectures pour Tous - août 1913 -
N° 16 et septembre 1913 - N° 18.
|